1 Prologue - Novembre 2015 Mar 4 Oct - 14:30
Trame des Moires
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Le monde a changé depuis hier.
Avant il était fait de casinos et d’hôtels, de béton et de bruit. Maintenant ce sont des chênes rouges qui défilent au son de la pluie, leurs feuilles peintes de leur couleur éponyme par l’automne tardif du New Jersey. C’est idiot, mais tu avais oublié les saisons. D’habitude elles ne mettent pas les pieds sur tes terrains de jeu.
Le ciel lourd et bas a viré au rouge lui aussi, imbibé de sang par le soleil couchant. Ou alors ce sont tes yeux rougis qui passent tout à leur couleur. Ou ton imagination derrière tes lunettes qui d’habitude teintent tout de gris.
Une chose est sûre, le monde a changé depuis hier.
Ton front commence à être froid, ça doit faire un moment que tu as la tête contre la vitre. Comment t’es arrivé là déjà ? Tu n’as pas vraiment le souvenir de la descente de l’avion. Ni même d'être monté dedans, d'ailleurs. Tu sens qu’une réponse se cache au fond de la bouteille de rhum dans ta main. Tu en reprendrais bien une gorgée mais tu te souviens qu’elle est vide. Alors tu continues de garder les yeux collés sur le paysage. C’est comme écouter du bruit blanc après une rave trop longue. Ça calme.
Un soubresaut sur la route fait sortir la chevalière pendue à ton cou de ta chemise à moitié ouverte. Par reflexe, tu l’attrapes, comme on rattrape un chapeau soulevé par le vent, et sans lequel on se sentirait nu. Le regard toujours dehors, ton index parcourt machinalement les contours de la hiéra de Cetus. À tes six ans tu l’avais enfilée sur une chaine d’argent et mise autour du cou en attendant que tes mains grandissent, et puis par habitude, tu l’avais gardée là. Aujourd’hui elle te semble différente elle aussi. Sur la face de la bague, ton doigt retrace la même tentacule enroulée sur son disque de nacre, mais il y’a quelque chose de nouveau. Elle semble plus lourde. Et paradoxalement plus petite.
Avant que tu puisses repenser à ceux qui te l’ont donnée, les arbres ralentissent puis s’arrêtent. Une voix te parvient en grec, et la banalité de son propos te sort de ta rêverie.
«Et voilà. Ça fera 120 dollars. »
Un quarantenaire chauve avec une casquette de chauffeur qui couvre mal sa calvitie te regarde avec la même sérénité que les cariatides de son Athènes natale. Un ange passe, et les gouttes continuent de chatouiller le toit de l’Audi. Après un temps, tu te tournes vers la fenêtre opposée, qui désormais encadre une maison sur une colline.
Quand tu reviens au chauffeur, tu t’aperçois avoir complétement passé outre sa conversation du trajet quand il ponctue son monologue pour personne:
« Bref, j’ai beau leur dire, eux i’croient que j’ai fui la crise comme un lâche et que j’ai abandonné les miens. Et moi je dis que c’est des conneries. J’ai toujours payés mes impôts et je leur dois rien. Je suis venu ici pour donner de quoi vivre à ma famille. C’est tout. Attendez, bougez pas j’vais vous ouvrir la porte.»
Le temps qu’il traine son quintal sous un parapluie jusqu’à toi, tu regardes vers la maison et distingue les silhouettes familières d’un homme et d’une femme à travers les vitres immenses de leur maison. Etrange, elles sont chacune dans une pièce séparée. C’est la première fois que tu les vois simultanément sans qu’ils ne soient à côté l’un de l’autre. Mais la maison est lumineuse. Accueillante, par cette froide pluie d’Automne. Tu finis par distinguer une troisième silhouette que tu ne connais pas, au fond de ce qui semble être le salon.
Ils ne t'ont probablement pas encore vu. Qu’est ce que tu fous ici, putain ? Tu pourrais simplement demander de repartir. Et tu pourrais encore avoir l’espoir que tout n’aura pas changé, finalement. Mais l’idée de dormir seul te terrifie. Ton rythme cardiaque s’accélère.
C’est tout le problème, avec la condition de Myste. On ressent toujours l’importance des moments qui vont bouleverser la Trame.
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Hell is Empty. All the devils are here.
– William Shakespeare
– William Shakespeare
Le monde a changé depuis hier.
Avant il était fait de casinos et d’hôtels, de béton et de bruit. Maintenant ce sont des chênes rouges qui défilent au son de la pluie, leurs feuilles peintes de leur couleur éponyme par l’automne tardif du New Jersey. C’est idiot, mais tu avais oublié les saisons. D’habitude elles ne mettent pas les pieds sur tes terrains de jeu.
Le ciel lourd et bas a viré au rouge lui aussi, imbibé de sang par le soleil couchant. Ou alors ce sont tes yeux rougis qui passent tout à leur couleur. Ou ton imagination derrière tes lunettes qui d’habitude teintent tout de gris.
Une chose est sûre, le monde a changé depuis hier.
Ton front commence à être froid, ça doit faire un moment que tu as la tête contre la vitre. Comment t’es arrivé là déjà ? Tu n’as pas vraiment le souvenir de la descente de l’avion. Ni même d'être monté dedans, d'ailleurs. Tu sens qu’une réponse se cache au fond de la bouteille de rhum dans ta main. Tu en reprendrais bien une gorgée mais tu te souviens qu’elle est vide. Alors tu continues de garder les yeux collés sur le paysage. C’est comme écouter du bruit blanc après une rave trop longue. Ça calme.
Un soubresaut sur la route fait sortir la chevalière pendue à ton cou de ta chemise à moitié ouverte. Par reflexe, tu l’attrapes, comme on rattrape un chapeau soulevé par le vent, et sans lequel on se sentirait nu. Le regard toujours dehors, ton index parcourt machinalement les contours de la hiéra de Cetus. À tes six ans tu l’avais enfilée sur une chaine d’argent et mise autour du cou en attendant que tes mains grandissent, et puis par habitude, tu l’avais gardée là. Aujourd’hui elle te semble différente elle aussi. Sur la face de la bague, ton doigt retrace la même tentacule enroulée sur son disque de nacre, mais il y’a quelque chose de nouveau. Elle semble plus lourde. Et paradoxalement plus petite.
Avant que tu puisses repenser à ceux qui te l’ont donnée, les arbres ralentissent puis s’arrêtent. Une voix te parvient en grec, et la banalité de son propos te sort de ta rêverie.
«Et voilà. Ça fera 120 dollars. »
Un quarantenaire chauve avec une casquette de chauffeur qui couvre mal sa calvitie te regarde avec la même sérénité que les cariatides de son Athènes natale. Un ange passe, et les gouttes continuent de chatouiller le toit de l’Audi. Après un temps, tu te tournes vers la fenêtre opposée, qui désormais encadre une maison sur une colline.
Quand tu reviens au chauffeur, tu t’aperçois avoir complétement passé outre sa conversation du trajet quand il ponctue son monologue pour personne:
« Bref, j’ai beau leur dire, eux i’croient que j’ai fui la crise comme un lâche et que j’ai abandonné les miens. Et moi je dis que c’est des conneries. J’ai toujours payés mes impôts et je leur dois rien. Je suis venu ici pour donner de quoi vivre à ma famille. C’est tout. Attendez, bougez pas j’vais vous ouvrir la porte.»
Le temps qu’il traine son quintal sous un parapluie jusqu’à toi, tu regardes vers la maison et distingue les silhouettes familières d’un homme et d’une femme à travers les vitres immenses de leur maison. Etrange, elles sont chacune dans une pièce séparée. C’est la première fois que tu les vois simultanément sans qu’ils ne soient à côté l’un de l’autre. Mais la maison est lumineuse. Accueillante, par cette froide pluie d’Automne. Tu finis par distinguer une troisième silhouette que tu ne connais pas, au fond de ce qui semble être le salon.
Ils ne t'ont probablement pas encore vu. Qu’est ce que tu fous ici, putain ? Tu pourrais simplement demander de repartir. Et tu pourrais encore avoir l’espoir que tout n’aura pas changé, finalement. Mais l’idée de dormir seul te terrifie. Ton rythme cardiaque s’accélère.
C’est tout le problème, avec la condition de Myste. On ressent toujours l’importance des moments qui vont bouleverser la Trame.